En 1967, lorsque pour la première fois en France, une institution importante, le Musée des Arts Décoratifs à Paris, organisa une large exposition consacrée à la fois à la bande dessinée et à l’art contemporain, le mélange des genres parut loin d’être évident. Le catalogue qui contient 255 pages ne traite de la présence de la peinture que sur 22 pages, on n’y trouve aucun texte qui puisse rendre compte de la réciprocité de leurs influences, de plus et surtout, les organisateurs de la manifestation décidèrent d’exposer sur les murs qui recevaient les toiles du Pop Art et de la Figuration Narrative, non pas les planches originales et les dessins des artistes de la bande dessinée mais des fac-similés agrandis. Un changement d’échelle jugé nécessaire pour permettre à celle-ci de faire bonne figure lors de la confrontation. Quarante ans plus tard, il semble toujours aussi difficile d’observer les planches originales sur les cimaises de nos institutions.
Pour vaincre les réticences, il y eut, dans les années 80, quelques tentatives pour mettre en scène de la bande dessinée transposée en trois dimensions. On élabora alors des scénographies-parcours qui oscillaient entre les esthétiques du train fantôme et celle du mini-golf. Elles imposaient aux visiteurs de circuler autours d’éléments de décors reconstitués en volume, du bunker d’Enki Bilal à l’astronef de Mézières et Christin.
Quoique l’on puisse conclure de ces initiatives, nous faisons aujourd’hui le pari des œuvres et prenons le parti stimulant de montrer celles-ci telles qu’elles sont ; peu importe qu’elles soient exposées à l’horizontale, à la verticale, en plan incliné, au plafond, au sol ou sur les murs.
Rappelons que la photographie, le cinéma, la performance, l’art conceptuel, la poésie, toutes ces manières de faire subissent ces mêmes interrogations quant à leur légitimité et leurs places. Cela ne les empêche pas de produire de magnifiques expositions qui créent de nouvelles pistes de réflexions et favorisent la rencontre avec l’oeuvre. Car en première et en dernière instance, ce sont les recherches des commissaires, leurs qualités d’agencement des formes et des couleurs et surtout la puissance des œuvres qui l’emportent et non pas le statut présupposé du médium. Le commissaire d’art contemporain, Pierre Leguillon, l’a encore une fois démontré en organisant à la Fondation Kadist de Paris, en 2009, une très intéressante exposition de Diane Arbus, à partir de l’œuvre imprimée, c'est-à-dire, tout simplement de photos parues dans des magazines qui furent accrochés sur les murs et mis sous verre. A notre tour, nous choisirons de refuser le rôle documentaire que l’on assigne habituellement à l’horizontalité, et nous situerons les images dans une autre dimension pour faire de l’exposition, tout simplement, un moment de plus dans la vie de l’œuvre.
Alain Berland
Visuel de Prigent (Frédéric Magazine)